Vers la merveille

VERS LA MERVEILLE

En 2011, Pauline et François-Xavier Maigre ont parcouru 450 Km entre Versailles et le Mont-Saint-Michel avec leurs enfants et l’âne Cakao, renouant avec la très ancienne tradition des « miquelots » qui arpentaient l’Europe médiévale (à lire : Sur la trace de l’archange, éd. Bayard).

Six ans après avoir raccroché les brodequins, c’est comme si le pèlerinage se poursuivait en moi. Chaque jour ou presque, je songe au voyage entrepris au printemps de l’année 2011, qui fut aussi celui de mon âge mûr. J’allais avoir 30 ans.

Mon métier de journaliste me faisait galoper comme un cheval fou. Il fallait bien un âne pour réapprendre la lenteur. Petit retour en arrière : à l’occasion du 13^ème centenaire de la Merveille, j’avais rencontré, en 2008, Marie-Paul Labéy, fondatrice de l’association des Chemins de Saint-Michel. Avec son équipe, cette nonagénaire détonante fut à l’origine de la renaissance des voies de pèlerinage qui reliaient jadis le Mont aux grandes routes de commerce, avant que la Révolution française ne sonne le glas de cette tradition.

Voici qu’en ce début de XXIème siècle, le rêve nomade reprenait du service. Des passionnés avaient dépoussiéré les archives, ravivé les croix de chemin, balisé l’itinéraire. Ne manquaient que les marcheurs pour redonner corps aux « chemins de paradis, » qu’exaltaient il y a deux siècles les historiens romantiques.

Le récit de Marie-Paul m’avait captivé. « Un jour, je m’élancerai sur vos traces ! » lui avais-je lancé. Trois ans plus tard, je tins promesse. Ma femme, Pauline, partageait mon goût des échappées frugales, des lisières venteuses. Quand je lui ai proposé de rallier le Mont à pied, depuis Versailles, elle n’a pas hésité une seconde.

Bien calés sur notre dos dans leurs porte-bébés, Faustine et Martin, nos enfants, seraient du voyage. A deux ans et demi et sept mois, il n’est jamais trop tôt pour  embrasser la condition pélerine. Un âne bâté, l’ineffable Cakao, fut choisi pour escorter notre équipée. Et c’est ainsi que, 33 jours durant, nous avons arpenté l’arrière-pays normand, accueillis dans les fermes, les églises et les couvents, un peu comme nos ancêtres du Moyen-Age.

Si nous avons senti battre le cœur du chemin, ce n’est pas tant par les vestiges que dans le regard de nos hôtes. La magie de ce pèlerinage oublié tient à l’hospitalité qui s’impose au marcheur : il existe encore peu d’hébergements « officiels », à la différence du chemin de Compostelle, et nous avons dû nous en remettre à l’obligeance de parfaits inconnus.

Bien sûr, nous avons essuyé quelques déconvenues. Mais ce voyage fut un ciment très puissant pour notre couple. « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction », professait Saint-Exupéry. Au fil de nos 500 000 foulées à travers le bocage, nous avons mesuré la vérité de la formule.

Quant à notre âne, il fut le témoin silencieux de ce mûrissement. Il me plaît de croire que c’est le même regard impénétrable qu’avait posé, deux mille ans plus tôt, l’âne de la crèche sur l’enfant Jésus à Bethléem. De nature inquiète, j’ai laissé ce compagnon aux longues oreilles m’enseigner la douceur et la patience. Cakao fut mon catéchisme sur pattes, mon évangile ambulant. Et puis, un soir d’orage, les pieds et les sabots couverts de sable, nous avons conquis le Mont.

Ou plus exactement, c’est Saint Michel qui nous a conquis. Figure du combat intérieur, l’archange, en nous attirant jusqu’à lui, a allumé une petite flamme au creux de nos âmes. Six ans après, elle n’a pas fini de briller…

Zacharie 9.9

« Sois transportée d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne, le petit d’une ânesse ».

Psaume 105.3-5

Que le cœur de ceux qui cherchent l’Eternel se réjouisse ! Recherchez l’Eternel et sa force, cherchez continuellement sa face ! Souvenez-vous de ses œuvres merveilleuses qu’il a faites, de ses prodiges, et des jugements de sa bouche.

(Flyer de Média Espérance – François-Xavier Maigre)