Mon cancer, La résistance en chemin
MON CANCER
La résistance en chemin
Un cancer, j'ai un cancer ! Je me répète inlassablement cette petite phrase sans en réaliser toute sa portée. Cette maladie dont on parle tant fait partie de moi. Jamais je n'avais envisagé une telle éventualité. Les autres, oui, mais pas moi.
Suis-je en danger ? Combien de temps me reste-t-il à vivre ? Submergée par la douleur, la peur au ventre, recroquevillée dans ce lit d'hôpital, la nuit s'annonce agitée. Alors que la chambre est plongée dans le noir le plus total, je partage ma lutte avec l'ami le plus proche, le plus intime et le plus fidèle qui existe. Cet ami, à qui je peux tout exprimer sans crainte, sans retenue. Il me connaît et sait mieux que quiconque ce que je vis en ce moment. Cet ami, vous l'aurez reconnu, c'est Jésus. Il est le consolateur par excellence. Il console mais ne s'apitoie jamais. Il est présent quand je l'appelle. Il est l'oreille dont j'ai besoin. Il est la parole qui me ranime et me relève lorsque je suis dans l'abîme du désespoir. Oui, je ne suis pas toute seule face à cette nouvelle épreuve. Jésus est avec moi et il me le rappelle, ce soir-là, lorsqu'au bout d'une heure, je l'entends me chuchoter :
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J'entends ta colère et la comprends. Tu as le droit, mais ne te laisse pas démolir par elle. Un combat t'attend et rappelle-toi que l'Esprit fait concourir « toutes choses au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui ont été appelés conformément au plan divin » (Romains 8.28).
Quel verset ! Je ne me lasse pas de le méditer, encore aujourd'hui. Oui, toutes choses concourent à mon bien. Et si c'est l'épreuve qui est au cœur de « toutes choses », je ne peux que porter un regard différend à ce qui m'arrive.
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N'oublie jamais que je suis à tes côtés.
Non, je ne l'oublie pas. Il a la première place depuis que je suis chrétienne.
Mais difficile de se préparer à cet instant furtif qui me fera basculer d'un monde à un autre, sans pouvoir en maîtriser le déroulement. Mourir, c'est accepter de vivre cet ultime souffle de vie, dans la paix et sans regret ; ce dernier battement de cœur qui me séparera à jamais de tout ce que j'aime ici-bas. C'est rejoindre cet autre monde qui ne se dévoilera qu'au moment où j'y entrerai. Mais quel monde ? Pour moi, chrétienne, il s'agit du royaume de Dieu, incontestablement. Je n'ai aucun doute là-dessus ! Et pour vous ?
Vivre et mourir, deux réalités qui s'interpénètrent et ne peuvent exister l'une sans l'autre.
Il va falloir que j'apprenne à me battre contre cette maladie. J'ai un combat à mener : celui de la vie.
Lorsque tout va bien, la vie semble acquise à jamais. Rares sont les fois où je me lève en me demandant si les cellules de mon corps sont prêtes à faire ce pour quoi elles ont été créées ? Le souffle de vie qui m'anime à chaque seconde me paraît évident. A aucun moment je n'imagine que l'anarchie s'installe au cœur de mes cellules, secrètement, en silence. Je prends conscience, tout à coup, que ce souffle de vie va avoir un prix : la victoire sur la maladie.
La vie avec Christ est une aventure extraordinaire, elle n'en reste pas moins semée d'embûches. Les difficultés de la vie ne nous sont pas épargnées, à nous croyants. Par contre, je peux affirmer, de par mon vécu, que traverser une épreuve avec ou sans Christ ce n'est de loin pas la même chose. Un coup dur avec Dieu aux commandes : c'est une expérience où nous sommes toujours vainqueurs, aussi difficile soit-elle. Mais pour cela, encore faut-il accepter l'aide qu'il nous offre. Et, une fois de plus, alors que je suis démunie face à ce qui s'annonce, j'accepte la main que me tend Christ. Je n'ai pas conscience de ce que va être ce combat. Je ne réalise pas encore que cela touchera tous les domaines de ma personne.
Oui, nous pouvons indéniablement parler de combat et la lutte est rude, longue, éprouvante pour le malade.
Oui, nous remportons souvent la bataille sur cette maladie mais pas toujours la guerre, et le cancer a encore trop souvent le dernier mot.
Si vous avez traversé victorieusement cette épreuve alors que votre croyance en Dieu est fragile voire inexistante, j'ose vous poser trois questions :
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quel prix avez-vous investi pour combattre votre cancer ?
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Quelles pertes, quels manques, quels regrets, quelle peurs, quelles angoisses avez-vous dû affronter tout au long de votre parcours médical ?
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Comment envisagez-vous l'avenir ?
De vraies questions ! J'ai eu l'occasion de discuter de ce délicat sujet avec des personnes touchées par le cancer, guéries ou non. Il se dégage toujours de notre conversation, en filigrane, des peurs encore bien présentes, des rancœurs vivaces vis-à-vis d'un entourage qui n'a pas su répondre aux besoins. Espérance zéro ! C'est la vie paraît-il !
Les souffrances sont nos garde-fous. Elles nous construisent et ont comme rôle, si nous acceptons de les vivre pleinement, de nous faire grandir. Elles nous poussent sur des chemins qu'autrement nous n'emprunterions pas.
Lorsqu'elles sont physiques, elles trouvent leur origine dans la plupart des cas, dans la maladie : le cancer par exemple. Les autres reflètent nos état émotionnels et spirituels.
Elles font partie intégrante des épreuves que nous sommes tous appelés à vivre. De la naissance à la mort, nous sommes et seront confrontés à elles. Ce qui les différencie, ce sont leur intensité, leur durée, leur fréquence et surtout la façon dont nous allons les gérer. Là est toute la question ! Car une vie sans épreuve existe, mais pas sur terre : il s'agit de la vie éternelle.
Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus et il n'y aura plus ni deuil, ni plainte, ni souffrance. Car ce qui était autrefois a définitivement disparu. (Apocalypse 21.4)[Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. ].
Nous pouvons décider de devenir le centre de nous-mêmes. Tout tourne autour de nous. La révolte devient le moteur qui nous permet, tant bien que mal, de réagir.
Cette attitude génère des comportements erronés, inadaptés voire exagérés vis-à-vis de l'entourage, et même vis-à-vis de soi. Le résultat est peu enviable. Le monde environnant s'éloigne progressivement. L'amertume et la rancœur prennent de plus en plus de place dans le cœur. Au bout de quelque temps, l'isolement s'accentue et ce avec un sentiment d'échec et d'abandon qui ne peuvent être imputés aux autres.
Sans Dieu, avons-nous d'autres possibilités pour affronter la maladie ? De toute évidence ce n'est pas aussi simple que cela. L'individu est face à de tels questionnements que seul, il n'a pas toujours les éléments pour sortir de lui-même et aller à la rencontre de ce Dieu qui rassure et accompagne.
J'ai expérimenté, dans un corps à corps permanent avec lui, la parole de Dieu adressée à Paul dans sa propre maladie : « Ma grâce te suffit, c'est dans la faiblesse que ma puissance se manifeste pleinement » (2 Corinthiens 12.9).
L'épreuve ne conduit pas l'homme dans la solitude mais dans une communion toujours plus profonde avec Dieu. Il est notre ressource et notre refuge. Voilà ce que la maladie et la souffrance peuvent nous apporter. Elles sont les instruments de réconciliation avec Dieu.
(Flyer de « Média Espérance » -
Extrait du témoignage de Agnès Baroncini
« Mon cancer, entre combats et découvertes, BLF éditions, 2009)